Mercredi 25 février 1998
Allez Les Thugs !
A l'instar de son groupe, le chanteur des Thugs, Eric Sourice, continue à prôner l'engagement
PARIS, De notre envoyé spécial
Dans les loges de La Cigale, à deux pas de la place Pigalle, l'ambiance est on ne peut plus détendue en cette fin d'après-midi de décembre. Dans quelques heures, Les Thugs défendront avec classe, conviction et candeur les chansons de leur septième et meilleur album à ce jour, le bien nommé «Nineteen something». Plus que jamais en phase avec leur époque, Les Thugs d'Angers continuent à composer et écrire des chansons sombres, amères voire désabusées sur des toiles de guitares popcore (entre Buzzcocks et Hüsker Dü) soutenues par une section rythmique malsaine et oppressante. Au point qu'on peut se demander ce qui a poussé le groupe des frères Sourice enfin reconnu unanimement à sa juste valeur - avec Noir Désir, un des meilleurs groupes de rock français en activité - à enregistrer encore un album. Rétrospectivement, nous n'étions pas satisfaits du son, de l'ambiance et de certains morceaux de «Strike», notre précédent album,raconte Eric Sourice. Nous avons fait très peu de concerts et nous avons voulu tourner la page très vite en composant de nouveaux morceaux.
Plus ouvert, plus abouti, plus compact et plus varié que son prédécesseur, «Nineteen Something» semble aussi avoir gagné en épaisseur. Chaque album des Thugs reflète une époque où nous avons écouté, vécu et emmagasiné plein de choses. De tout ça, plus notre cuisine à nous, naît un album mais c'est très difficile à analyser parce que ça reviendrait presque à de la psychanalyse. Par contre, j'ai le sentiment que notre musique se rapproche de ce que nous avions envie de faire en mettant sur pied Les Thugs. Je trouve aussi que nos textes ont de plus en plus de teneur.
En évoquant les textes, on ne résiste pas à l'envie de demander à Eric le comment du pourquoi des «Lendemains qui chantent», premier morceau en français en quinze années de carrière : ce sont des expériences comme celles que font Diabologum sur des morceaux mid-tempo où ils réussissent à coller un chant en français que je trouve d'enfer qui ont changé mon a priori par rapport à la langue française.Si «Strike» - qui signifie «En grève» en anglais - coïncidait avec les grèves qui ont secoué la France en 1996, «Nineteen something» joue aussi la carte de l'engagement puisque sa pochette illustre les rafles des Algériens dans le métro parisien en 1961 lorsqu'un certain Maurice Papon était préfet de Paris. Nous étions aussi engagés et impliqués qu'aujourd'hui lorsque nous écrivions des morceaux comme «Dirty white face»,poursuit ce fidèle lecteur de Charlie Hebdo et du Monde Diplomatique. Notre trajectoire n'a pas dévié dans le sens où nous n'avons pas de solutions à apporter mais nous savons ce qui ne va pas et nous avons envie de parler de ces choses-là. Ce qui ne nous empêche pas de parler d'amour et d'amitié, aussi. Nous avons aussi voulu glisser dans le CD quelques photos d'événements marquants de ce siècle comme le Printemps de Prague ou la première guerre mondiale, pour se souvenir.
PHILIPPE MERTENS
Album Les Thugs : «Nineteen something» (Labels; distr. Virgin). Les Thugs seront en concert le vendredi
27 février au Botanique (02-226.12.11); le samedi 28 février au Cahier de Brouillon à Hoogstraten (03-314.32.64) et le dimanche 1er mars à L'Escalier à Liège (04-232.13.21).
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