D'après quelques interviews, Les Thugs auraient donné environ 700 concerts tout au long de leur carrière, ce blog propose près de 600 dates (en 2017, et maintenant près de 750 en 2020), donc il reste encore du chemin à parcourir, avant de retracer toutes ces dates de concerts.Je me suis basé au départ sur l'excellent site de Stéphane Dufour (http://reocities.com/SunsetStrip/Alley/1875/tour.html) Ensuite, j'ai effectué des recherches à travers pas mal de fanzines (Nineteen, Rock Hardi, Le Légume du Jour, Combo, Abus Dangereux, Bruits & Graffitis, Tant qu'il y a aura du rock...pour ne citer que les principaux) et de magazines musicaux classiques (Best, Rock'n Folk, Les Inrockuptibles). J’ai aussi fouillé sur le net à travers des blogs, des forums ou sur le site de quelques salles de concert, certaines ayant eu la très bonne idée de proposer leurs archives en ligne (ex : le Bikini à Toulouse).

Ces recherches m'ont permis de vérifier, de croiser les données.Certes, il y a des bugs dans les dates que je propose, quelques fois la date annoncée a été annulée, ou reportée à une autre date, un autre lieu ; aussi vos commentaires et autres informations, rectifications sont les bienvenus et permettront les mises à jour de ce blog.

contact : dimitroy(at)gmail.com

samedi 5 octobre 2019

21 mars 1998 > interview réalisé pour le fanzine "Twice" (n°10)


En pleine tournée nationale, les THUGS se sont arrêtés à la NEF à Angoulème pour une date avec les SALARYMAN de Chicago. Et c'est Christophe Sourice, l'homme aux baguettes, qui nous accorde cette interview malgré une bonne crève carabinée...

Pascal G. : Vous êtes en tournée, quelles sont les principales dates que vous avez déjà effectuées ?
Christophe S. : Récemment nous étions à Toulouse, Mont-de-Marsan, Bordeaux et sinon les 3 semaines avant, on a fait une semaine en Belgique, une semaine en Suisse et puis des dates dans l'Est de la France. Avec les dates qu'on avait faites en octobre-novembre, on commence à bien ratisser le territoire. En ce qui concerne Angoulème, c'est la troisième fois que nous jouons ici.

P.G. : SALARYMAN, vous avez fait connaissance de ce groupe pendant votre tournée ou vous les connaissiez avant ?
C.S. : On les a connus en écoutant leurs disques qu'on aimait tous bien. Ils sont sur le même label que nous, ça a permis une connection pour qu'on jette une oreille sur leur disque et donc il se trouvait qu'ils avaient prévu de faire une tournée en Europe au moment où on tournait aussi. De là est venue l'idée qu'ils tournent avec nous. C'est un groupe de la banlieue de Chicago. A côté de ça ils font un groupe qui s'appelle Poster-children (rock guitare) et avec la même formation il y a SALARYMAN avec que des synthétiseurs et pas mal de sons électroniques c'est assez marrant. On ne les connaissait pas avant de faire des concerts avec eux et en fait tous se passe très bien.

P.G. : Vous allez un peu "beuffer" ensemble ?
C.S. :On a fait une douzaine de concerts ensemble, et ce soir c'est le dernier car ils partent jouer en G.B pour enfin rentrer aux USA. On avait envie de faire un truc pour la dernière date avec eux. Normalement, on fera un rappel à la fin du concert de ce soir, notamment sur un morceau qui s'appelle New Centurions, un de leurs morceaux. On a d'ailleurs eu l'idée parallèlement à cette tournée, de sortir un 45t split single avec SALARYMAN qui reprend un titre des THUGS et vice-versa sur la face B. En fait c'est un split single collector en petit tirage. On jouera donc leur morceau en rappel, tout du moins on va essayer...

P.G. : Cela sera donc assez nouveau de voir jouer les THUGS avec une orchestration électronique, ce sera la première fois ?
C.S. : Oui, et ce n'est pas un choix délibéré de notre part, c'est le fait qu'on fait un boeuf avec eux. C'est plutôt exceptionnel dans la carrière des THUGS, comme le fait de faire une reprise sur un 45T. Ce sont des choses auxquelles on est pas très habitués en général.

P.G : Vous avez signé sur Labels-Virgin, une multinationale. Est-ce que vous avez renoncé à certaines libertés sur la gestion de votre carrière en signant sur un gros label ?
C.S. : Disons qu'on s'est trouvé dans une situation où l'on cherchait un label. Avec Roadrunner, on avait plus trop notre place pour diverses raisons. On était très content de ce qu'ils faisaient et on cherchait un peu la même chose. La scène indépendante étant ce qu'elle est, il n'y avait pas tant de labels que ça pour nous assurer ce que Roadrunner nous avait assuré. La seule structure qui nous proposait la même chose, c'était Labels. On aurait pas été intéressés pour signer avec d'autres majors car il aurait fallu changer quelque chose ou perdre notre liberté dans notre façon de faire depuis le début. Ce qui était séduisant chez Labels, excepté que ce soit une multinationale, c'est qu'il y a Virgin derrière. Cela nous permet de faire ce que l'on veut, comme d'habitude. Il y a des gens qui ont pensé qu'on avait voulu passer un cap ou aller plus haut ; dans notre esprit c'est pas du tout ça. Pour changer de cap, on s'y serait pris autrement (chanter en français, faire un peu de techno ...) ou on aurait signé vraiment avec une grosse major. Là, c'est pas le cas, je pense que les gens verront sur la durée. Si ils ont l'impression que les Thugs ont changé, on verra. Moi, je pense que si ce n'était pas marqué sur le disque qu'il y a Virgin, personne ne verrait de différences. Après, au niveau de l'implication avec les majors : depuis que le groupe existe, à plusieurs moments on a été impliqués, ne serait-ce qu'avec le premier mini-lp "Radical hystérie", qui était sur Closer Records au Havre, il a ‚t‚ distribué par Virgin pendant quelques temps. Sub Pop, notre label aux USA, à 49%, c'est Warner Bros. Quand on allait jouer en Hollande ou en Belgique, ce sont les gens de Warner Bros qui s'occupaient des interviews. Chez Roadrunner, c'est Sony qui distribue, etc... Tout ça pour dire qu'il ne faut pas être trop angélique non plus. Depuis le début de l'histoire du groupe, l'idée, c'est d'en faire le minimum et d'être pragmatique. On a jamais voulu sacrifier le groupe sur l'autel de l'indépendance. C'est ce qu'on veut continuer à faire même en signant sur Labels. On ne veut pas refuser complètement l'aspect business. Pour l'instant, tout se passe bien et on est content du travail de Labels. J'apprécie surtout leur travail au niveau de la promo avec les fanzines, les radios associatives tout comme avec les gros médias. Ils ont bien compris notre état d'esprit et comment on voulait travailler. A aucun moment, ils n'ont essayé de peser sur le groupe. Celui qui voudra un jour intervenir sur le côté musical et artistique des Thugs, je lui souhaite bon courage. Déjà à nous 4, c'est assez difficile et parfois tendu, mais personne n'a encore mis son nez dans nos choix.

P.G. : Au niveau de l'artistique, "Strike" a été produit par Steve Albini et là vous avez fait appel au même producteur que pour "As happy as possible". Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
C.S. : On a été très content de "A.H.A.P", c'était sans doute le disque qui nous satisfaisait le plus. Avant, c'était plutôt des embrouilles et il y en avait toujours 3 ou 4 qui raƒlaient. Là, c'était le premier album dont on était vraiment fiers à tous les niveaux ( y compris son et production). Après l'étape difficile avec Albini, on a pas eu envie de retenter quelque chose avec quelqu'un d'autre. On a donc préféré retravailler avec Kurt Bloch, naturellement.

P.G. : Il a mis , j'imagine sa patte sur le célèbre "mur du son" des guitares des Thugs. On fait place aux guitares hard-core de "Strike", qui étaient très agressives, à des guitares plus mesurées, plus intégrées dans l'ensemble basse-voix-batterie sur "Nineteen Something". On sent un ensemble de sons compacts et homogènes, beaucoup plus que sur "Strike", ton avis ?
C.S. : On était hyper satisfaits sur l'ensemble des morceaux faits avec Steve. Heureusement, il y en avait des biens. Après, au niveau du son, c'était pas tout à fait ça non plus. C'était la première fois qu'on ne pouvait pas faire ce qu'on voulait. On a toujours considéré que la production, c'était à nous de s'en occuper, et que l'ingénieur du son doit se mettre au service du groupe. Si le groupe est en manque d'idées, il peut intervenir. Mais pour nous les Thugs, on veut s'occuper de notre production, c'est-à-dire la direction artistique ; on ne touche pas aux boutons, ni à la table (on sait pas comment ça marche de toute façon ...). On lui explique en gros ce qu'on veut et lui, il concrétise. Ca n'empêche pas qu'il apportera une touche personnelle de par sa façon de travailler. Le mix lui, par contre, n'aurait pas changé selon l'ingénieur.

P.G. : Les Thugs ne sont-ils pas plus déterminés et sereins que jamais, avec un album mûr et abouti ?
C.S. : On est content de l'album. Surtout après "Strike" qu'on a pas trop bien ressenti. On a eu envie de composer de nouveaux morceaux et de vite refaire un disque. On a senti quelque chose qui passait dans tout le processus d'enregistrement, de répétition et de création de morceaux. Un côté plus enthousiaste qui n'a pas toujours été là, ensuite ça se ressent. Je suis content que ça avance et que la musique des Thugs avance. Après les gens suivent ou non, mais le principal c'est que nous, on s'y retrouve. Je me dis qu'on a pas encore fait le tour de la question et qu'on peut encore faire des choses intéressantes.

P.G. : Tu déclarais dans "PRESTO", que vous aviez développé votre technique jusqu'à la limite, et j'ai pensé qu'il n'y avait plus rien ensuite. Surprise ?
C.S. : En fait, quand il est question de limites, je ne pense pas au niveau artistique et créatif. On ne veut pas complexer sur la technique qui à mon avis, est assez accessoire pour le genre de musique que l'on fait. Pour moi, le miracle du rock n'est pas lié à la technique, mais plutôt au choix des 3 accords à associer pour avoir le tube imparable ; et au choix de la ligne de voix pour que ce soit fantastique ! Les limites techniques qu'on a, on les connaît. Pour moi, à la batterie, je suis tout à fait conscient des choses que je ne peux pas faire. Je le sais depuis le début et c'est pas quelque chose qui me tracasse. En soi, la batterie ne m'intéresse pas spécialement. Je ne me considère pas comme un batteur, mais comme un musicien et surtout comme un membre des Thugs. On est 4, et il se trouve que je suis à la batterie, mais j'aurais pu jouer d'autre chose. Ce qui m'intéresse surtout, c'est de faire partie d'un groupe et que ce qui sorte en final, soit super bien... On est plutôt fervent de le tradition rock. Prenons le cas du dernier Prodigy pour moi, ce que j'aime, c'est le côté rock avec des chansons avec un couplet-refrain-couplet... la célèbre structure hyper classique, mais qui fonctionne toujours. Mais la recette miracle du tube n'existe pas...

P.G. : Est-ce qu'on peut parler d'un album humaniste, avec un profond respect de l'homme à travers les émotions décrites dans le dernier album ?
C.S. : C'est ce qu'on essaie d'être. Humaniste, ça me va tout à fait même si le terme est un peu galvaudé. L'être humain est le plus important et si on partait de là, un tas de problèmes seraient réglés.

P.G. : Ce qui ne transparaît par-contre quasiment jamais, c'est la joie ou l'émotion légère. Seriez-vous des optimistes tristes ?
C.S. : Ou des pessimistes gais ! L'un ou l'autre. Je crois que chez tous les gens, il y a diverses facettes. Nous dans la musique, on s'est plutôt reconnus dans les choses un peu mélancoliques ou sombres, même dans les choses qu'on a écoutées (plutôt Vince Taylor que Elvis). Notre côté un peu triste va ressortir dans la musique. A côté de ça, on est pas foncièrement portés sur la tristesse. L'ambiance générale est plutôt celle des gens qui se marrent et qui prennent du bon temps. On aime le sens de l'humour. Sur scène, comme pour les Ramones, on aime jouer sans s'arrêter du début à la fin avec une atmosphère tendue, et on a toujours gardé ce côté-là. On est pas sur scène pour rigoler mais par contre ça peut faire rigoler le public de nous voir ainsi. L'idée n'est pas de te donner l'envie de te pendre quand tu vois les Thugs.

P.G. : J'ai relevé plusieurs qualificatifs qu'on vous attribue souvent : des "révoltés instinctifs et libertaires", "naïfs adolescents", "désespérés qui ne remontent jamais" : reflètent-ils ce que vous êtes ?
C.S. : Disons que ceux qui sont extrêmes comme "révoltés" ou "désespérés", pour moi, c'est au niveau intellectuel. Concrètement, dans la vie de tous les jours, on est pas des écorchés vifs. Notre révolte est plutôt liée à une analyse du milieu dans lequel on vit. On a la chance (pour les 3 frères) de venir d'une famille qui était super ; on a eu une enfance vraiment bien donc on n'est pas des gens qui avons eu à se plaindre de la vie. On est donc plutôt révoltés intellectuellement et désespérés, c'est pareil, on n'est pas des gens qui ont des tendances suicidaires et ça, j'en ai déjà parlé précédemment.

Interview réalisée par Pascal Gailler Transcription par Clément Marchal.

Quelques heures plus tard, les Thugs étaient sur la scène de la Nef, pleins de fougue et fidèles à eux-mêmes, présentant les morceaux du nouvel album "Nineteen Something", sans oublier d'inévitables hymnes qu'ils tirèrent de "Still Angry", "As Happy As Possible" ou de "Strike". Et comme prévu, en guise de rappel, le morceau "New Centurion" interprété par Salaryman et les Thugs, soit huit musiciens mêlant guitares et électronique.

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